lundi 17 septembre 2012

la ralentie

mon blog est un peu au ralenti ces temps 
mais je vais revenir sous peu 
je vous laisse des photos 


LA RALENTIE
    Ralentie, on tâte le pouls des choses ; on y ronfle ; on a tout le temps ; tranquillement, toute la vie. On gobe les sons, on les gobe tranquillement, toute la vie. On vit dans son soulier. On y fait le ménage. On n’a plus besoin de se serrer. On a tout le temps. On déguste. On rit dans son poing. On ne croit plus qu’on sait. On n’a plus besoin de compter. On est heureuse en buvant ; on est heureuse en ne buvant pas. On fait la perle. On est, on a le temps. On est la ralentie. On est sortie des courants d’air. On a le sourire du sabot. On n’est plus fatiguée. On n’est plus touchée. On a des genoux au bout des pieds. On n’a plus honte sous la cloche. On a vendu ses monts. On a posé son œuf, on a posé ses nerfs.
    Quelqu’un dit. Quelqu’un n’est plus fatigué. Quelqu’un n’écoute plus. Quelqu’un n’a plus besoin d’aide. Quelqu’un n'est plus tendu. Quelqu’un n'attend plus. L’un crie. L’autre obstacle. Quelqu’un roule, dort, coud, est-ce toi Lorellou?

    Ne peut plus, n’a plus part à rien, quelqu’un.

    Quelque chose contraint quelqu’un.

    Soleil, ou lune, ou forêts, ou bien troupeaux, foules ou villes, quelqu’un n’aime pas ses compagnons de voyages. N’a pas choisi, ne reconnaît pas, ne goûte pas.

    Princesse de marée basse a rendu ses griffes ; n’a plus le courage de comprendre ; n'a plus le cœur à avoir raison.

    …Ne résiste plus. Les poutres tremblent et c’est vous. Le ciel est noir et c’est vous. Le verre casse et c’est vous.

    On a perdu le secret des hommes.

    Ils jouent la pièce « en étranger ». Un page dit « Beh » et un mouton lui présente un plateau. Fatigue ! Fatigue ! Froid partout !

    Oh ! Fagots de mes douze ans, où crépitez-vous maintenant ?

Henri Michaux, La Ralentie in Plume précédé de Lointain intérieur, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1998, pp. 573-574.

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